Distribution:
Carole Lombard : Maria Tura
Jack Benny : Joseph Tura
Robert Stack : Lieutenant Stanislav Sobinski
Felix Bressart : Greenberg
Lionel Atwill : Rawitch
Stanley Ridges : Professeur Alexander Siletsky
Sig Ruman : Colonel Ehrhardt
Tom Dugan : Bronski
Charles Halton : Dobosh, le producteur
Henry Victor : Capitaine Schultz
Maude Eburne : Anna, la femme de chambre
Halliwell Hobbes : Général Armstrong
Miles Mander : Major Cunningham
Fiche technique:
Titre original : To Be or Not to Be
Réalisateur : Ernst Lubitsch Scénario : Edwin Justus Mayer
Production : Ernst Lubitsch et Alexander Korda
Musique : Werner R. Heymann
Photographie : Rudolph Maté
Montage : Dorothy Spencer
Pays d'origine : États-Unis
Format : Noir et blanc
Durée : 99 minutes
Dates de sortie :
6 mars 1942 (États-Unis),
21 mai 1947 (France),
21 décembre 2005 (re-sortie France)
L'action se passe durant la Seconde Guerre mondiale et est traitée sur le ton de la comédie. Une troupe de théâtre polonaise répète laborieusement une pièce mettant en scène Hitler, alors que les troupes allemandes envahissent la Pologne. Le théâtre et ses acteurs se retrouvent au centre d'une intrigue rocambolesque qui fait intervenir la résistance polonaise face à l'occupant allemand.
Profitant des costumes de SS et d'un sosie d'Hitler, les acteurs vont essayer d'abuser la Gestapo et de faire libérer un aviateur anglais.
C'est une comédie sur un sujet grave, n'oublions pas qu'elle a été tournée alors qu'Hitler mettait l'Europe à feu et à sang et que l'issue de la guerre était encore incertaine.
Le but du film était, d'une certaine façon, de ridiculiser le Führer et les nazis, et Lubitsch emploie à cet effet une manière d'une dérision comique époustouflante pour l'époque, multipliant les scènes à double sens.
Mi 1942, les USA sont en guerre suite à l'attaque japonaise sur Pearl Harbour. La guerre contre l'Empire nippon et l'Allemagne nazie n'est plus cette lointaine aventure réservée depuis trois ans aux pays européens mais une affaire nationale concernant tout un chacun. L'heure n'est plus à rire. Un des plus brillants cinéastes d'Hollywood, juif allemand en exil depuis 1922, onze ans avant l'avènement du nazisme dans son pays, Ernst Lubitsch, propose une comédie décapante, commencée quelques semaines avant Pearl Harbour et prenant pour cadre la Pologne martyrisée aux mains de la Gestapo.
Non seulement le film ne fait pas rire mais il choque, voire scandalise. Comment peut-on se moquer ainsi du nazisme et de ses victimes ? Le film à sa sortie est un cinglant échec pour un homme qui avait accumulé les triomphes depuis son arrivée en Californie à l'invitation de l'actrice Mary Pickford vingt ans plus tôt. Heureusement le temps rendra assez vite justice à ce qui demeure l'une des meilleures comédies jamais tournées. Deux ans après Charles Chaplin et son Dictateur (The Great Dictator, 1940), Lubitsch avait pourtant prouvé que oui, le nazisme malgré le cortège d'horreurs qu'il entraînait dans son sillage, pouvait être cause de parodie, de moquerie, d'humour.
Mais il est vrai aussi, pour Chaplin comme pour Lubitsch, que si l'existence des camps de concentration était bien connue, celle des camps d'extermination ne l'était point encore. Moins sentimental que Le Dictateur et moins ambitieux dans son absence de discours final, To Be or Not to Be demeure 60 ans plus tard l'un des meilleurs exemples de la fameuse "Lubitsch Touch", cet art qui savait cacher des dénonciations sérieuses derrière un festival d'humour.
En 1939, c'est au stalinisme que Lubitsch s'était attaqué avec l'irrésistible Ninotchka où il avait dirigé pour son premier rôle comique Greta Garbo. Bien dissimulé à l'ombre du rire, il en avait profité pour mettre à jour la faillite du système soviétique. Ici, il récidive, alternant les surprises, les bons mots et les nombreux moments fonctionnant en écho tout au long du film : répliques de la pièce "Gestapo" se retrouvant telles quelle plus tard ("Hitler finira en fromage", blague d'acteur polonais repris par le chef de la Gestapo et "contré" par un faux Siletsky : "Hitler ne fera jamais le bonheur des gourmets !"), les enseignes du début du film réapparaissant en ruines, improvisations de Joseph Tura ("Concentration Camp Ehrhardt"), les diverses bourdes de la Gestapo de Ehrhardt, lequel, refusant d'endosser ses erreurs fait invariablement porter le chapeau à son second Schulz, la tirade de Shylock, etc.
Lubitsch n'oublie jamais le drame qui se joue derrière sa comédie. Après l'invasion de la ville par l'armée allemande, une succession d'affiches (servant aussi à indiquer le passage du temps car datées de septembre puis novembre 39 et enfin janvier 40) annoncent les décisions de l'occupant : arrestations, camps de concentration, exécutions. Lubitsch semble avoir personnifié en Bolosch, le metteur en scène de la pièce "Gestapo", la ligne "officielle", celle dont il n'aurait pas fallu s'éloigner : une dénonciation du nazisme se doit d'être sérieuse, sans laisser de place à l'humour et au rire.
A l'inverse, le réalisateur du Prince étudiant croyait en la puissance dévastatrice de la parodie, de la satire. Hymne à l'Homme et à la Paix, dénonciation de la barbarie, comédie hilarante, To Be or Not to Be est aussi un bel hommage au théâtre que Lubitsch fréquenta comme acteur dès ses 16 ans (il resta longtemps un acteur comique très populaire, jouant par la suite dans ses premiers films muets). Le cinéaste ne rate pas ses congénères dans le portrait qu'il nous présente d'eux mais les emplit d'une véritable humanité, d'un vrai amour, notamment envers les "petits", les "porteurs de lances".
Lubitsch, attaqué par les critiques, eut l'occasion de s'expliquer sur ses intentions : "Ce sont les Nazis et leur idéologie ridicule dont j'ai voulu faire la satire dans ce film. De même avec l'attitude des acteurs qui demeurent toujours des acteurs, indifférents à la possible dangerosité de la situation, ce que je crois être une fidèle observation. On peut discuter de savoir si la tragédie de la Pologne peinte de façon réaliste dans To Be or Not to Be peut être empreinte de satire. Je crois que oui, ainsi que le public que j'ai observé pendant une projection de To Be or Not to Be, mais ceci est matière à débat et chacun a droit à son point de vue, mais on est loin du réalisateur berlinois trouvant plaisir au bombardement de Varsovie." (Ernst Lubitsch, lettre à la critique Mildred Martin du Philadelphia Enquirer, 25/08/43).